Althusser dans le métro par Gabriel Albiac

 


[ Louis Althusser à Grenade en mars 1976, archives Louis Althusser / IMEC ]

Mai 1971, Madrid, quai du métro, station Goya, le même point de transit de chaque jour entre la fac et sa maison. Midi. Des doigts se sont cloués sur son épaule droite. Derrière lui, une pression soudaine sur l’omoplate. Une dureté de crochet bloque l’articulation. Les doigts sont fermes, la prise efficace : un professionnel. Il n’a même pas besoin d’essayer une secousse pour s’en délivrer : ce serait du temps perdu. Pas de blague ici. Pas besoin, non plus, de tourner la tête pour savoir ce qu’il se passe. Pas le temps, non plus. Avant d’entendre cette voix sèche dans son dos, « ¡Policía! », il sait bien déjà qu’il s’agit de cela : police, le prévisible, le refoulé. Il se dit que cette voix a une résonance excessivement métallique dans le creux du quai presque vide, qui n’est plus le lieu familial de chaque jour. Il réprime le geste instinctif de lever les mains ouvertes. Il est trop encombré pour le faire. Sous son bras gauche, il porte une souple serviette noire. La main droite supporte une poignée de livres, d’apparence fort lourds : ceux de son examen d’anthropologie, il y a trois quarts d’heure à peine [ leia a íntegra do artigo em francês e espanhol ]